Systèmes ERP, emplois et transformations du travail

D'après une étude réalisée par Laure Lemaire, Sociologue et économiste, chercheuse en sociologie du travail et consultante. Elle s’est spécialisée dans l’analyse de l’impact des NTIC sur le travail et les métiers.
Septembre 2002


Au niveau de l’emploi et de l’adaptation des travailleurs, les ERP permettent d’augmenter fortement la productivité des tâches administratives déjà informatisées. Donc des problèmes d’adaptation, de reconversion ou de mobilité se posent.

Au niveau des qualifications et des compétences, les ERP favorisent un certain renouveau des modèles tayloriens d’organisation du travail, basés sur la standardisation des procédures, la codification des opérations, la parcellisation des tâches, la séparation entre conception et exécution. Néanmoins, les ERP attribuent aussi aux utilisateurs finaux une charge de responsabilité importante en ce qui concerne la définition des fonctionnalités du système, la qualité des données collectées et encodées, la pertinence des informations transmises, la capacité à exploiter les informations traitées. L’accroissement de responsabilité est encore plus important pour les travailleurs dont la fonction permet de bénéficier des performances techniques des ERP et dont les tâches sont ainsi revalorisées.

De plus, les ERP prennent en charge des opérations à faible valeur ajoutée, facilitent d’autres opérations plus complexes et offrent, grâce à l’intégration des données qu’ils instaurent, un plus grand pouvoir analytique. Ils amènent donc certains salariés à effectuer des tâches à plus forte valeur ajoutée et à accroître leur capacité décisionnelle, ou encore, à augmenter leur polyvalence fonctionnelle.

De ce fait, ils permettent un contrôle accru du travail de chacun et mettent en avant des critères de performances très partiels du travail tel que le nombre d’opérations de telle nature réalisées dans un certain laps de temps.

On peut donc estimer que les problèmes d’adaptation des travailleurs au changement technologique se posent de deux manières :
  • en termes de mobilité interne dans l’entreprise et de capacité de reconversion, dans le cas où leur poste de travail serait menacé,
  • en termes d’adaptation à une nouvelle organisation du travail et à de nouveaux profils de compétences, dans le cas où leur poste de travail serait préservé ou revalorisé.


Il est donc important de réfléchir, de manière anticipée et concertée, à l’organisation du travail et à la formation qui sont indéniablement des facteurs de réussite. Toutefois, les ERP restent des outils vulnérables et controversés, dont la mise en oeuvre requiert une grande vigilance, aussi bien de la part des dirigeants que des salariés.

En effet, les modes de fonctionnement sont appelés à changer avec l’arrivée d’un ERP : les responsables intermédiaires voient souvent leur rôle évoluer en raison de la plus grande disponibilité potentielle de l’information pour tous et en raison de la plus grande prescription des tâches qu’amène l’ERP. Le service informatique est appelé à collaborer plus étroitement avec les fonctionnels et certains travailleurs voient leur périmètre d’action s’élargir.

Il est fondamental que le comité de pilotage, où siège entre autres la direction, puisse anticiper, autant que possible, les transformations que va apporter l’ERP et le re-engineering qui l’accompagnera le cas échéant, afin de mettre en place les supports nécessaires, que ce soient les formations, la communication ou la revalorisation de certaines fonctions qui jouent un rôle clé dans l’implantation de l’outil.

Ce sont les consultants de l’éditeur de l’ERP qui, la plupart du temps, forment, d’une part, le comité de pilotage, et d’autre part, les informaticiens internes et les utilisateurs-clés qui procéderont au paramétrage des modules de l’ERP. Ensuite, ce sont les utilisateurs-clés, souvent des responsables intermédiaires, qui forment les utilisateurs finaux, parfois avec l’aide des consultants installateurs ou de prestataires de formation extérieurs.

Hormis une certaine connaissance de l’informatique et une bonne connaissance des processus opérationnels de leur service, les utilisateurs-clés doivent en outre posséder une capacité d’adaptation importante, une capacité à travailler sur des systèmes abstraits et un esprit logique, un minimum de compétences pédagogiques, une capacité à travailler par projet et une capacité à conduire le changement. N’oublions pas qu’ils seront les premiers, avec les responsables intermédiaires, à être confrontés aux difficultés d’adaptation, au stress et aux résistances qu’occasionne l’arrivée d’un ERP dans le chef des utilisateurs finaux.

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